vendredi 3 octobre 2014

Renvoyé en Italie et séparé de sa sœur jumelle

2 octobre 2014         Olivier et Shamsa sont jumeaux. Ils sont âgés de 17 ans. Ils ont perdu leur père à l’âge de 6 ans et leur mère à l’âge de 12 ans. Eux-mêmes sont séparés depuis des années. Ils se sont retrouvés par hasard en Suisse avec l’aide de la Croix-Rouge. Les autorités restent sourdes à leurs demandes désespérées de pouvoir rester ensemble en Suisse. Ils sont l’un pour l’autre leur seule famille.

Olivier a été placé en détention administrative et il va être renvoyé en Italie en application des accords de Dublin pour le traitement de sa demande d’asile. Il sera ainsi définitivement séparé de sa sœur, les demandeurs d’asile n’ayant aucune possibilité de voyager au sein de l’Union Européenne.

Olivier est originaire du Congo où il était enfant des rues pendant deux ans, après la mort de sa mère. Puis il a été recueilli par une œuvre de charité et avec de l’aide, il est parvenu à venir en Suisse où il espérait trouver son père. C’est sa sœur jumelle qu’il a retrouvée et qui a dû lui apprendre le décès de leur père en 2005, en Suisse, des suites d’une grave maladie.

Depuis août 2013, toutes les procédures tendant à l’annulation du renvoi en Italie pour permettre aux deux jeunes de rester ensemble ont échoué. Les autorités sont restées intraitables. Elles ont pour principal argument qu’Olivier n’ayant pas déposé de documents d’identité, il n’a pas prouvé son âge et il n’est donc pas prouvé qu’il est mineur.

Les autorités n’ont pas tenu compte de tous les autres éléments du dossier plaidant en sa faveur. Sa sœur jumelle a elle-même produit sa carte d’identité originale. A son arrivée en Suisse quelques années plus tôt, elle a déclaré avoir un frère jumeau et elle a donné son identité. La Croix-Rouge a pu les retrouver et les mettre en contact sur la base de leurs déclarations qui étaient concordantes. Une expertise ADN a montré qu’il existe une probabilité de 99.83% que Shamsa et Olivier soient de la même fratrie. L’autorité d’assistance a placé Olivier dans un centre d’accueil pour requérants d’asile mineurs non accompagnés, compte tenu de sa maturité et de son comportement d’adolescent. Il s’est vu attribuer un éducateur et il a été intégré à l’OPTI, qui accueille des jeunes de plus de 14 ans, pour y poursuivre leur scolarité dans le but de les préparer à un intégrer un apprentissage. Selon un rapport médical psychiatrique, de janvier 2014, d’un service spécialisé dans la prise en charge des adolescents, les contacts réguliers qu’Olivier entretient avec sa sœur ont un effet bénéfique sur sa santé. En raison de sa maturité affective et de son apparence, il est considéré par son entourage comme un mineur. Il est très vulnérable et sa santé psychique a été profondément ébranlée. Un autre certificat médical atteste qu’Olivier « présente toutes les caractéristiques biologiques et psychosociales d’un adolescent ».

L’intervenante sociale du centre d’accueil où séjourne Shamsa, qui se trouve dans un canton alémanique, atteste que le frère et la sœur se téléphonent plusieurs fois par semaine. Ils se sont rencontrés pour la première fois au centre en novembre 2013. Shamsa a décrit ces retrouvailles de manière très positive. Ils ont passé les fêtes de fin d’année ensemble et ils se retrouvent très souvent les week-end. L’état psychique de Shamsa s’est fortement dégradé lorsqu’elle a appris la détention administrative de son frère. Elle a pleuré durant tout l’entretien. Elle ne supporte pas l’idée que son frère risque d’être renvoyé en Italie. Pendant de nombreuses années, elle ne savait pas où il était ni ce qu’il était devenu. Depuis qu’ils se sont retrouvés, ils se voient souvent et se téléphonent souvent. Quelqu’un a trouvé la jeune fille avec un couteau à la main dans la cuisine. Elle était dans un état de crise et il a fallu appeler immédiatement les urgences. Elle a été hospitalisée en milieu psychiatrique en raison d’un état de détresse intense. Olivier de son côté a aussi tenté de se suicider en détention, en avalant le contenu d’une pile.

Ces deux frère et sœur, qui entretiennent des liens affectifs étroits compte tenu de leur parcours de vie difficile et de leur jeune âge, et qui n’ont aucune autre famille sur qui compter, vont être séparés par les autorités qui ont décidé que la demande d’asile d’Olivier devait être traitée en Italie. Il s’agit d’une décision administrative digne de la plus haute bureaucratie, laquelle n’a que pour objet l’application des règlements de police, qui définissent ce qui est bon pour la Suisse, c’est-à-dire qu’il y ait le moins de requérants d’asile possible sur le territoire helvétique. Les autorités sont demeurées sourdes à la situation de détresse et d’humiliation dans laquelle les deux jumeaux se retrouveront après avoir été séparés de force, contre leur volonté. Le processus de l’asile est censé prendre en compte les besoins de protection des gens. Ici, le traitement administratif a prévalu, qui rompt les liens de famille d’Olivier et de Shamsa et les prives de la liberté de vivre ensemble selon leurs besoins affectifs et identitaires respectifs. Le traitement administratif détruit l’individu, sa famille, ses libertés et son identité.


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